Produire
du fromage de chèvre en Alpage :
La filière du Chevrotin en Haute - Savoie.
115 éleveurs élèvent des chèvres
en Haute - Savoie, région renommée pour ses fromages au lait de vache avec le
Reblochon et l’Abondance. La Savoie, voisine, produit le Beaufort, autre
fromage d’Appellation très renommé.
Les élevages ont toujours eu un
élevage de quelques chèvres mais aujourd’hui certains ont développé cette
activité le plus souvent en complément avec un troupeau de vaches laitières.
L’Organisation de la filière
Une vingtaine d’éleveurs a créé
l’Association des Producteurs du Chevrotin des Aravis pour promouvoir une organisation
structurée autour de ce fromage traditionnel
et assurer sa protection (Le terme chevrotin était utilisé pour des fromages
à base de lait de vache et en zone de plaine). Avec l’Association des Affineurs,elle
forme le Syndicat interprofessionnel de défense du Chevrotin des Aravis. Ce
syndicat a 3 missions:
-
la promotion du produit
-
l’amélioration de la qualité du fromage
-
assurer la relation avec les pouvoirs publics (lI.N.A.O.) dans
le cadre de la demande d’Appellation.
Les producteurs regroupés en
syndicat ont fait eux mêmes délibérément le choix de certaines règles qu’ils
se sont librement imposées. Ces règles leurs semblent correspondre au
maintien de la cohérence de leur système de production:
- le choix de la race Alpine,
considérée comme la race locale alors que dans la région Rhône - Alpes la race
Saanen est majoritaire
- moins de 800 l/chèvre et par
lactation. Le potentiel de ces animaux dépasse fréquemment 1000 l/ lactation
mais les éleveurs considèrent que des conditions d’élevage au pâturage et sans
ensilage ne permettent pas des moyennes supérieures sans avoir un recours
important au concentré.
- moins de 300 g de concentrés
par litre de lait, quantité permettant d’assurer le pic de lactation.
- alimentation originaire de la
zone, foin et pâturage.
- utilisation exclusive de lait
cru
Après avoir demandé l’Appellation
en 1994, le syndicat espère obtenir l’Appellation pour l’an 2000. Une demande
d’Appellation est un processus long qui exige un fort consensus entre
producteurs, et un processus administratif rigoureux.
Didier AGNELET, Administrateur à
l’Association des producteurs souligne que de nombreux éleveurs sont prudents
vis à vis de cette démarche, synonyme pour eux de contrôles sur leurs quantités
vendues. Il ne faut pas perdre de vue que la Haute Savoie est le premier
département touristique de France et de nombreux fromages sont vendus à la
ferme aux visiteurs de passage.
L’Association délivre à ses
membres des plaques de caséine qui sont appliquées sur chaque fromage. Ces
plaques qui financent une partie de l’Association sont vendues 34 c/fromage (0,05
Euros environ) soit environ 1 F (0,15 Euros) / kg. Le droit d’entrée dans
l’Association est élevé, environ 1000 F/ membre (150 Euros), afin d’avoir un
partenariat motivé.
Un agent de l’Institut Technique
du Gruyère assure le suivi technique des membres de L’Association, un jour par
semaine, en fonction de leur demande. Son coût est pris en charge très
partiellement sur fonds publics, le reste étant à la charge des éleveurs et de
l'Association.
Les fromages sont tous fabriqués
à la ferme mais souvent affinés et vendus dans le cadre du réseau de
commercialisation du reblochon (Coopérative de Thônes).
Dans les deux départements de
Savoie, les professionnels ont dès la fin des années 50 mis en place une
dynamique innovatrice en élevage laitier autour de ses spécificités propres et
pour compenser par une valorisation élevée les handicaps naturels de la région.
Le résultat particulièrement exemplaire pour le Beaufort est la conséquence
d’un effort permanent pour améliorer la
qualité du produit (régularité, goût et hygiène), pour lui assurer une image
positive auprès du consommateur, et pour veiller à ce que l’offre soit
inférieure à la demande. Mais comme le dit Gérard Euvrard, de la
Coopérative de Beaufort, ces acquis peuvent être en permanence remis en
question et les risques de déstructuration d’un tel système sont réels
(pression de la grande distribution, concurrence de produits placés sur le même
segment de marché, évolution du goût des consommateurs, etc...).
Les fromages :
La production de lait est surtout
consacrée à la fabrication du chevrotin
des Aravis.
Ce fromage est une pâte pressée
non cuite à croûte lavée.
Après filtrage, le lait est
chauffé à 34 ° C puis emprésuré (avec de la présure chimique). Après la phase
de coagulation le fromage est moulé, égoutté (pendant 8 heures), salé (dans une
saumure saturée à 1150 g de sel/litre), séché (sur des planches en épicéa),
puis affiné après lavage (chaque fromage est retourné régulièrement pendant 3
semaines).
Il faut environ 3 litres de lait
pour un kg de fromage. Le fromage est vendu au consommateur 80 F/kg à la ferme
et 98 F/kg à la coopérative (respectivement 12 et 15 Euros).
D’autres fromages de chèvre sont
fabriqués dans la région :
La tomme est une pâte pressée non cuite affinée avec
développement d’une croûte grise (Tomme de Savoie au lait de chèvre).
Les fromages lactiques à prise lente, (type crottin) vendus
frais ou affinés sont aussi très appréciés.
Le Persillé des Aravis est aussi traditionnel dans la région .
Mais il est plus confidentiel en raison des exigences en main d’oeuvre qu’il
impose. C’était à l’origine un fromage de garde et fin de lactation. Sa
fabrication commence comme celle du Chevrotin. L’égouttage se fait dans une
toile puis le caillé est croisillonné. Les caillés de deux traites sont
mélangés puis réchauffés ensemble à 40°C. De nouveau moulage, égouttage et
salage en saumure. Ce fromage difficile à trouver se vend environ 100F /kg .
Enfin, on assiste depuis une
période récente à la renaissance du Sérac,
fromage de lactosérum autrefois très apprécié mais dont l’habitude de
consommation s’était perdue. Fabriqué à partir de lactosérum de lait de chèvre
chauffé à 80°C, ces caractéristiques sont proches de celle de la ricotta mais
certains éleveurs rajoutent un peu de lait de vache.
Visite de l’élevage de Didier AGNELET
Didier AGNELET élève en
G.A.E.C.
avec d'autres membres de sa famille 70 chèvres en complément de son troupeau de
vaches laitières. L’été, les chèvres pâturent dans les Alpages au dessus de la
station de ski de la Clusaz. Sans surveillance, elles rentrent le soir de leur
zone de pâturage généralement sans aide. Si quelques animaux tardent à rentrer
l’éleveur les ramènent à la traite, accompagné de son chien. Il faut environ
trois heures pour ramener le troupeau. Si l'’habitation et l’étable des chèvres,
ancien chalet d’alpage d’été sont situées à 1500 mètres d’altitude, la zone
d’Alpage dépasse 2000 mètres. L’hiver les animaux restent dans ces bâtiments de
novembre à mai, alimentés en foin. C’est aussi la période des mises bas. L’éleveur
a alors une activité de moniteur de ski.
Jean - Paul DUBEUF d’après les entretiens de visite avec Didier
Agnelet, Emmanuel Mingasson (S.U.A.C.I. Alpes du Nord) et Gérard Euvrard
(Coopérative de Beaufort) et un groupe d'éleveurs de POTENZA (BASILICATE, Italie)